SOYONS CLAIRS – entretien avec Peggy Buhagiar – Ville de Paris

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Après une série d’entretiens auprès d’experts internationaux de langage clair, nous donnons la parole à l’une de nos clientes, très impliquée sur le sujet. Rencontre avec Peggy Buhagiar, cheffe du pôle Études de la Ville de Paris. Dans cet entretien, elle explique comment le langage clair est utilisé par la Ville de Paris pour simplifier les informations données aux Parisiens, repenser les parcours usagers et améliorer leur quotidien.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée au langage clair ?

Parce que je suis une femme d’études… et donc à l’écoute des besoins des usagers depuis toujours. Cela fait partie de mon ADN !

Avant de rejoindre les équipes de la Ville de Paris, j’ai longtemps été chargée d’études, puis directrice d’études indépendante, notamment pour des acteurs du secteur public. Et, dans mes enquêtes qualitatives, le sujet de la compréhension des contenus ressortait presque immanquablement. C’est donc un sujet que j’ai toujours trouvé important.

N’étant pas issue d’un service métier, je ne suis pas imprégnée de 20 ans de jargon administratif – cela m’aide à prendre du recul et à me mettre à la place de l’usager.

Je travaille pour la Ville de Paris depuis 15 ans… et cela fait 15 ans que je dis à tout le monde que nous devons absolument adopter ce que j’appelle le « langage de monsieur Tout-le-Monde » !

Par quoi avez-vous commencé ?

Nous avons commencé par le site de la Ville, paris.fr. C’est une énorme masse de travail pour une ville comme Paris, qui est à la fois commune et département. Ce qui signifie des services aux usagers multiples et variés, et donc une quantité considérable de contenus à réécrire, plus de 700 pages de services.

Quelques exemples de ce que la Ville a à sa charge : les questions liées au stationnement, mais aussi à la famille, à la solidarité, à la scolarité ou encore à la collecte des déchets. En plus de la multiplicité de sujets, il faut donc s’attaquer à une matière parfois très complexe, qui touche au droit, aux processus administratifs

Comment choisissez-vous les sujets à traiter en priorité ?

Nous sommes obligés de prioriser. Pour décider de l’ordre dans lequel nous traitons les sujets, nous avons plusieurs critères :

  • D’abord, nous attaquer aux pages de paris.fr qui sont les plus fréquentées. Si une page est dans le top 15 ou 20 des pages les plus consultées, alors elle sera réécrite avant les autres.
  • Ensuite, retravailler les contenus qui suscitent le plus de messages écrits ou d’appels vers nos services. Si les Parisiens ont besoin de renseignements supplémentaires ou d’explications sur les contenus, quelque chose ne va pas !

Nous utilisons également l’outil Contentsquare, qui nous permet de savoir ce sur quoi les gens s’arrêtent lorsqu’ils parcourent une page – autrement dit, les parties du contenu qui provoquent le plus de blocages.

Nous procédons d’une façon similaire pour les services numériques, en allant regarder le nombre de démarches commencées mais pas terminées, les points bloquants de compréhension… tout ce qui empêche l’usager d’aller au bout de sa démarche doit être revu.

Par exemple, nous nous sommes rendu compte que le parcours pour faire faire ou refaire une carte d’identité était beaucoup trop complexe : rien que sur ce sujet, la Ville reçoit  150 messages écrits et 3000 appels chaque semaine ! En étudiant les usages, nous avons observé que l’ordre des étapes devait par exemple être modifié, parce que la plupart des utilisateurs préféraient commencer par l’étape 2 (la prise de rendez-vous) avant de revenir à l’étape 1 (le formulaire à fournir pour faire sa demande).

En travaillant ainsi, nous avons pu identifier des « parcours emblématiques » d’usagers, soit parce qu’ils sont très empruntés, soit parce qu’il s’agit du cœur de métier d’une direction qui est directement en contact avec l’usager et qui a besoin de fluidifier le parcours.
Nous avons fixé des règles d’or : nous devons toujours préciser les délais de réponse, orienter vers le bon interlocuteur et être en capacité d’informer sur l’avancement d’un dossier en temps réel, tout cela avec bienveillance auprès de tous les types de publics. Cela nous permet de juguler le nombre de prises de contact, pour nous concentrer sur les cas qui nécessitent réellement une communication directe avec un usager.

Concrètement, comment avez-vous fait pour vous mettre au langage clair ?

Très rapidement, nous avons compris que nous allions avoir besoin d’aide. C’est à cette occasion que j’ai pris contact avec l’agence Avec des Mots, qui a réécrit en langage clair des e-mails envoyés aux Parisiens demandant des droits de stationnement.

Assez vite, pour devenir plus autonomes et faire changer les états d’esprit, nous avons ressenti le besoin de former nos équipes. D’une part, pour acquérir la technique rédactionnelle ; d’autre part, pour faire adopter la démarche, la manière de penser (se mettre à la place de l’usager, comprendre ce qui rend un texte complexe…).

Aujourd’hui, Avec des Mots a formé plusieurs équipes, au sein de différentes directions. Au début, j’avais peur que certains y aillent à reculons, voire pas du tout… Mais finalement, nous fonctionnons sur la base du volontariat, et avons beaucoup de volontaires à chaque session ! J’entends très souvent des références aux notions vues en formation, et le contenu est bien intégré, bien retranscrit dans les nouvelles pratiques des agents de la Ville

Nous sommes aujourd’hui beaucoup plus autonomes dans notre pratique du langage clair, même si nous avons parfois besoin de conseils pour améliorer nos contenus, voire d’un coup de main pour réécrire. Notre dernier projet en date avec l’agence : réécrire les messages envoyés aux utilisateurs de l’application Dans ma Rue, qui permet de signaler des problèmes rencontrés dans l’espace public parisien (épaves de véhicules, mobilier urbain dégradé, tags à retirer…).

Et maintenant ?

Nous continuons à former et à sensibiliser sur le sujet du langage clair. Nous avons également commencé à utiliser Lisible (logiciel dédié au langage clair créé par Avec des Mots) fin 2022. Il nous aide à vérifier que nous allons dans le bon sens et à améliorer nos textes lorsque c’est nécessaire. C’est un outil de formation permanente pour nous, puisqu’il nous fait des piqûres de rappel constantes des bonnes pratiques du langage clair. 

D’autre part, bientôt, le site paris.fr comprendra un module d’évaluation des contenus pour que les Parisiens puissent nous donner leur avis et nous faire part de leurs besoins. Cela me semble essentiel pour mieux comprendre leurs attentes et nous adapter à leurs besoins.

Un conseil pour d’autres acteurs du secteur public qui voudraient se mettre au langage clair ?

Pour moi, le plus important est de toujours confronter ses contenus au regard d’un non-expert. Mon expérience dans les études me fait dire que c’est comme ça que l’on en apprend le plus ! Demandez à un panel d’usagers de lire vos textes : c’est comme cela que vous saurez s’ils sont vraiment utiles pour votre lecteur.

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